Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/333

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Blanchefort vient de me déclarer qu’il est prêt à vous épouser, et qu’il se croira trop heureux si vous trouez quelque plaisir à tenir de lui le rang et le bien dont vous jouirez.

Vous ne me répondez point, continua madame de Polignac ? Pouvez-vous être incertaine sur cette proposition ? Je ne devrais point l’être, répliqua mademoiselle d’Essei ; j’avoue pourtant que je le suis. La disproportion infinie qui est entre le comte de Blanchefort et moi me blesse. Plus je sens dans mon cœur tout ce qu’il faut pour être reconnaissante, et plus je crains la nécessité de l’être. Cette reconnaissance ne vous coûtera rien pour le plus honnête homme du monde, qui vous adore, et que vous ne pouvez vous empêcher d’estimer, répliqua madame de Polignac ; mais, vous dirai-je ce que je pense ? peut-être hésiteriez-vous moins s’il était question du marquis de la Valette.

Ah ! madame, s’écria mademoiselle d’Essei, ne me faites point cette injustice : le marquis de la Valette ne m’a jamais aimée, et je viens d’apprendre de mademoiselle de Magnelais elle-même qu’il va l’épouser. Eh bien ! dit madame de Polignac, punissez-le, en épousant le comte de Blanchefort, d’avoir voulu vous faire croire qu’il vous aimait.

Cette idée de vengeance frappa mademoiselle d’Essei. On ne se dit jamais bien nettement qu’on n’est pas aimée. Malgré la persuasion où elle était de l’amour du marquis de la Valette pour mademoiselle de Magnelais, elle croyait cependant qu’il ne verrait son mariage avec le comte de Blanchefort qu’avec peine. Un