Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/345

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toute son action était d’une personne livrée au désespoir. Ah ! madame, lui dit-elle, je suis abandonnée, je suis trahie, je suis déshonorée par le plus lâche de tous les hommes !

Quoi ! s’écriait-elle, je ne serai donc plus qu’un objet de mépris ! et je pourrais vivre ! et je pourrais soutenir ma honte ! Non, il faut que la mort me délivre de l’horreur que j’ai pour ce traître, et de celle que j’ai pour moi-même. Ses larmes et ses sanglots arrêtèrent ses plaintes. Madame du Paraclet, attendrie et effrayée d’un état aussi violent, mit tout en usage pour la calmer.

Vous vous alarmez trop vite, lui dit-elle : le comte de Blanchefort vous aime, il ne résistera point à vos larmes ; d’ailleurs, il craindra le tort qu’une affaire comme celle-ci peut lui faire.

Eh ! madame, répliqua-t-elle, il a vu mon désespoir, il m’a vue mourante à ses pieds sans en être ému. Qui pourrait lui reprocher son crime ? Madame de Polignac n’est plus, et vous savez que le curé et les deux témoins de mon mariage ont été écartés par les soins d’un perfide.

Mais, quand tout vous manquerait, dit madame du Paraclet, mon amitié et votre vertu vous restent ; croyez-moi, on n’est jamais pleinement malheureuse, quand on n’a rien à se reprocher ; ne me donnez pas, ajouta-t-elle en l’embrassant, le chagrin mortel de vous perdre ; vous avez du courage ; que la tendresse que j’ai pour vous, que celle que vous me devez, vous obligent à en faire usage ; je resterai ici avec vous pendant un temps ; nous prendrons toutes les mesures convenables pour dérober la connaissance de votre malheur.