Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/348

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de tout pour moi de vous faire perdre des soupçons qui me sont si injurieux.

Sa justification devenait inutile à mademoiselle d’Essei, dans la situation où elle était ; mais l’inclination qu’elle avait pour lui, lui faisait sentir quelque douceur à ne le plus trouver coupable. Ce que vous avez à m’apprendre, lui dit-elle, après l’avoir fait relever, ne changera ni votre fortune ni la mienne. Parlez cependant, puisque vous le voulez.

Il ne suffit pas toujours d’être honnête homme, dit le marquis de la Valette ; il faut encore que la fortune nous serve, et ne nous mette pas dans des situations où le véritable honneur exige que nous en négligions les apparences.

Vous avez sans doute entendu parler de la façon dont je rompis avec mademoiselle de Luxembourg. Notre mariage était prêt à se conclure ; je n’y avais point apporté d’obstacle ; je rompis cependant presque au moment où il devait s’achever. Ce procédé, si bizarre en apparence, et qui m’attira tant de blâme, était pourtant généreux : mademoiselle de Luxembourg me déclara qu’elle aimait le duc de Ventadour, et en était aimée ; qu’elle n’aurait cependant pas la force de désobéir à son père ; qu’elle me priait de prendre sur moi la rupture de notre mariage. Pouvais-je me refuser à ce qu’elle désirait !

Le feu roi faisait alors la guerre en Picardie ; j’allai l’y joindre, avec quelques troupes que j’avais levées à mes dépens. Le désir de me distinguer me fit exposer un peu trop légèrement au siège d’Amiens ; je fus renversé par les assiégés, du haut de leurs murailles ; je tom-