Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/352

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bien loin de me faire des reproches, vous me devez des remerciements : il est vrai que je suis ambitieuse ; mais c’est bien moins par ambition que je l’épouse, que pour m’assurer le plaisir de vous voir. Pourquoi, répondit celui à qui elle parlait, que je reconnus pour Bellomont, lui faire croire que vous l’aimez ? pourquoi tous ces reproches de ce qu’il n’est pas jaloux ?

Je vous avoue, répliqua-t-elle, que la vanité que je trouvais à en être aimée m’avait d’abord donné du goût pour lui : votre amour ne m’avait pas encore fait connaître le prix de mon cœur ; je croyais presque le lui devoir. Laissons-lui penser qu’il est aimé ; cette opinion écartera ses soupçons, et, en lui reprochant sa confiance, je l’augmente encore.

Les premiers mots de cette conversation me causèrent tant de surprise, qu’elle aurait seule suffi pour arrêter les effets de ma colère ; mais tous les sentiments dont j’étais agité firent bientôt place au mépris et à l’indignation, qui prenaient dans mon cœur celle de l’amour et de l’amitié : je ne fus pas même honteux d’avoir été trompé ; tout honnête homme aurait pu l’être, et cela me suffisait.

Mademoiselle de Magnelais et Bellomont dirent encore plusieurs choses qui me firent comprendre que leur intelligence avait commencé presque aussitôt que j’avais cru être aimé. Ils se séparèrent, dans la crainte que je ne vinsse ; car, quelque sûr que l’on fût de moi, on voulait pourtant me ménager. Mademoiselle de Magnelais passa dans l’appartement de madame sa mère, et me laissa la liberté de sortir.