Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/363

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selle de Joyeuse, ne changera en moi que mon nom : rien ne saurait m’obliger à rompre les engagements que j’ai pris. Vous n’avez point encore d’engagement, reprit M. le Bailli, puisque vous n’avez pas prononcé vos vœux. Les vœux, répliqua mademoiselle de Joyeuse, m’engageraient avec les autres ; mais le voile que je porte suffit pour m’engager avec moi-même.

Les raisons et les prières de M. le Bailli ne purent ébranler la résolution de mademoiselle de Joyeuse. Sans se plaindre de sa mère, elle représentait avec douceur, et cependant avec force, que la manière dont elle avait été traitée la dispensait de l’exacte obéissance. Madame du Paraclet, à qui M. le Bailli eut recours, était trop instruite des malheurs de mademoiselle de Joyeuse et de sa façon de penser, pour laisser quelque espérance à M. le Bailli. Après quelques jours de séjour au Paraclet, pendant lesquels mademoiselle de Joyeuse prit connaissance des biens dont elle avait à disposer, le Bailli partit pour aller annoncer à madame de Joyeuse la résolution de sa fille, et l’impossibilité de la faire changer.

Cependant la lettre qu’elle avait écrite au comte de Blanchefort avait non-seulement fait naître son repentir, mais lui avait redonné tout son amour. Il avait cru jusque-là qu’elle reviendrait à lui dès qu’il le voudrait. La certitude, au contraire, d’être haï, méprisé, les reproches qu’il se faisait d’avoir perdu, par sa faute, un bien dont il connaissait alors tout le prix, lui faisaient presque perdre la raison. Son mariage avec la sœur du connétable n’avait pas eu lieu : rien ne l’empêchait d’aller confirmer ses engagements avec