Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/366

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long-temps caché : si, par respect pour elle, il s’était soumis à l’ordre qu’elle lui avait donné de renoncer à la voir, il n’en avait pas été moins attentif et moins sensible pour elle. Quoiqu’il n’eût conservé aucune espérance, il n’avait cependant jamais envisagé l’horreur d’une séparation éternelle : cette idée se présenta à lui pour la première fois, lorsqu’il sut que mademoiselle de Joyeuse avait pris le voile.

Il courut à l’abbaye du Paraclet. Mademoiselle de Joyeuse ne put se résoudre à le traiter comme elle avait traité M. de Blanchefort : elle vint au parloir où il l’attendait. Ils furent assez long-temps sans avoir la force de parler ni l’un ni l’autre : le marquis de la Valette, suffoqué par ses larmes et par ses sanglots, après avoir considéré mademoiselle de Joyeuse presque ensevelie dans l’habillement bizarre dont elle était revêtue, restait immobile sur la chaise où il était assis. Je n’aurais pas dû vous voir, dit enfin mademoiselle de Joyeuse. Ah ! s’écria le marquis, que vous me vendez cher cette faveur ! Je mourrai, oui je mourrai à vos yeux si vous persistez dans cette résolution. Mes malheurs, répliqua mademoiselle de Joyeuse, ne m’ont pas laissé le choix de ma destinée ; il faut vivre dans la solitude, puisque je ne saurais plus me montrer dans le monde avec honneur. Eh ! pourquoi, dit M. de la Valette, vous faire cette cruelle maxime ? pourquoi vous punir de ce que le comte de Blanchefort est le plus scélérat des hommes ? Il n’en coûte guère, répliqua mademoiselle de Joyeuse, de quitter le monde quand on ne peut y vivre avec ce qui nous l’aurait fait aimer.

Que me faites-vous envisager, s’écria le marquis de