Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/377

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

voyais, si un vif sentiment de jalousie n’eût étouffé tout autre sentiment. Cet étalage de tout ce qu’elle avait fait contre moi, le pardon qu’elle me demandait, étaient une nouvelle injure ; je m’en sentais humiliée.

Le bon ecclésiastique, qui n’avait garde de pénétrer ce qui se passait dans mon cœur, m’exhortait avec tout le zèle que la charité lui inspirait, d’avoir pitié et de la mère et de l’enfant. L’un et l’autre, dis-je enfin, n’ont aucun besoin de moi. Madame de Barbasan, ajoutai-je, a des titres pour demander la restitution des biens de son mari. Hélas ! madame, s’écria douloureusement cette personne, je ne suis point sa femme. Vous ne l’êtes point, lui dis-je avec beaucoup de surprise ? Non, madame : je vois ce qui vous a donné lieu de le croire. Écoutez-moi un moment ; je vous dois à vous, madame, et à M. de Barbasan l’aveu de ma honte. Qu’importe ce que j’en souffrirai ; mes peines ne méritent pas d’être comptées ; elles ne sont que trop dues à mes folies.

Je suis fille du geôlier à qui le soin des prisons du Châtelet était commis. Ma mère, qui mourut en accouchant de mon frère et de moi, n’avait point laissé d’autre enfant à mon père. La ressemblance, assez ordinaire entre les jumeaux, était si parfaite entre nous, qu’il fallait, pour nous reconnaître dans notre première enfance, nous donner quelque marque particulière ; et, dans un âge plus avancé, ceux qui n’y regardaient pas de bien près y étaient encore trompés.

Une petite partie de société nous avait engagés à prendre les habits l’un de l’autre le jour que M. de Barbasan fut conduit au Châtelet. Mon père, qui me