Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/400

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prit qu’il allait expirer. On pense aisément à quel point je fus touchée de la mort de quelqu’un à qui je devais la vie. J’étais encore dans le saisissement, quand on me dit que l’homme qui avait passé la nuit auprès de lui demandait à me voir : il s’approcha de mon lit, et voulut me présenter une lettre qu’il tenait, mais je n’étais pas en état de la recevoir. J’eus à peine jeté les yeux sur lui que je perdis toute connaissance : elle ne me revint qu’après plusieurs heures, et ce ne fut que pour quelques moments : je passai de cette sorte tout le jour et toute la nuit.

Dès que je pus parler, je demandai à revoir cet homme : malgré les effets qu’on en craignait, on fut contraint de m’obéir ; ce fut alors qu’il me remit la lettre que voici.

« Daignerez-vous, madame, reconnaître le caractère de ce malheureux que vous devez regarder comme le plus coupable et le plus perfide de tous les hommes ? Hélas ! madame, je me suis peut-être jugé plus rigoureusement que vous ne m’auriez jugé vous-même. Mon repentir et ma douleur m’ont fait un supplice de tous les instants de ma vie. Je me suis cru indigne de porter à vos pieds ce repentir et cette douleur, et ce n’est que dans ce moment, où je n’ai plus que quelques heures à vivre, que j’ose vous dire que, tout criminel que je suis, je n’ai jamais cessé un moment de vous adorer. Je ne serai plus, madame, quand vous recevrez cette lettre. Si vous vous ressouvenez quelquefois du misérable Barbasan, souvenez-vous aussi quel a été son repentir. »

À peine pouvais-je discerner les caractères au tra-