Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/73

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vais consentir à le perdre un moment. Je n’ai jamais vu dans personne plus de vraie bonté : je lui répétais mille fois les mêmes choses ; il m’écoutait, il entrait dans mes sentiments.

C’était par son moyen que je savais ce qui se passait chez Benavidés. Sa blessure le mit long-temps dans un très-grand danger ; il guérit enfin. J’en appris la nouvelle par dom Jérôme : c’était le nom de ce religieux. Il me dit ensuite que tout paraissait tranquille dans le château, que madame de Benavidés vivait encore plus retirée qu’auparavant, que sa santé était très-languissante ; il ajouta qu’il fallait que je me disposasse à m’éloigner aussitôt que je le pourrais, que mon séjour pouvait être découvert, et causer de nouvelles peines à madame de Benavidés.

Il s’en fallait bien que je fusse en état de partir : j’avais toujours la fièvre : ma plaie ne se refermait point. J’étais dans cette maison depuis deux mois, quand je m’aperçus un jour que dom Jérôme était triste et rêveur : il détournait les yeux, et n’osait me regarder ; il répondait avec peine à mes questions. J’avais pris beaucoup d’amitié pour lui ; d’ailleurs les malheureux sont plus sensibles que les autres. J’allais lui demander le sujet de sa mélancolie, lorsque Saint-Laurent, entrant dans ma chambre, me dit que dom Gabriel était dans la maison, qu’il venait de le rencontrer.

Dom Gabriel est ici, dis-je en regardant dom Jérôme, et vous ne m’en dites rien ! Pourquoi ce mystère ? Vous me faites trembler ! Que fait madame de Benavidés ? Par pitié, tirez-moi de la cruelle incertitude où je suis. Je voudrais pouvoir vous y laisser toujours, me