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Page:La Feuille villageoise, numéros 1 à 27 (30 sept. 1790 - 31 mars 1791).djvu/352

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au milieu de vous les lumières de l’évidence, que je pourrai convaincre ceux qui persistent opiniâtrement dans une fausse opinion, et affermir ceux qui, comme moi, ont embrassé l’opinion véritable.

S’il est une vérité, catholique, c’est-à-dire universellement reconnue par l’église et consignée dans les livres saints, s’il est une maxime adoptée de toutes les écoles et répétées dans toutes les chaires chrétiennes, c’est que les ministres des autels ne peuvent, sans une rebellion coupable, se soustraire aux puissances législatives de la terre ; subditi estote princifibus etiam discolis : Obéissez aux princes mêmes qui n’auroient ni vos opinions ni vos vertus.

Samuel commandoit aux Hébreux ; le peuple mécontent lui demande un roi : Samuel couronne ce roi et lui obéit le premier. Jérémie voit ses concitoyens captifs à Babylone : il les exhorte, en pleurant sur leur sort, à se soumettre à leur conquérant, jusqu’à leur délivrance. L’empereur Maurice promulgue dans l’Orient une loi qui ferme l’entrée du cloître aux guerriers inconstans ou enthousiastes. Que fait le pape Saint-Grégoire ? Il commence par promulguer cette loi dans l’empire d’Occident, et ensuite il remontre à l’empereur combien cette loi prohibitive contrarioit la liberté de l’homme et la vocation de la grace : obtempero ut debes : nunc rescribo ut licet.

Et que deviendroient les empires, si la religion, au lieu de consacrer l’obéissance civile, en rompoit à son gré les liens ? Chaque pontife seroit plus qu’un roi : il seroit plus qu’un peuple : il seroit un demi-dieu ; la théocratie, ou le règne du fanatisme, deviendroit le seul gouvernement : des oracles arbitraires nous tiendroient lieu de loix : tout seroit bouleversé au nom du ciel. La puissance temporelle ayant un cercle visible et mesuré, et l’église ayant un cercle invisible et incommensurable, celle-ci envahiroit, absorberoit l’Etat. Au moindre effort des souverains, les pontifes crieroient : le temple est profané ; on touche à l’encensoir ; que les consciences élèvent la voix ; peuples souvenez-vous que Dieu vous parle par notre organe, et qu’il vaut mieux obéir au Tout-Puissant qu’à de chétifs mortels.