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EPISTRE.

autres Princes ; quand non content de dompter les hommes, il veut triompher aussi des Elemens ; et quand au retour de cette Expedition où il a vaincu comme un Alexandre, vous le voyez gouverner ses peuples comme un Auguste ; avoüez le vray, Monseigneur, vous soûpirez pour la gloire aussi bien que luy, malgré l’impuissance de vos années ; vous attendez avec impatience le temps où vous pourrez vous declarer son Rival dans l’amour de cette divine Maistresse. Vous ne l’attendez pas, Monseigneur, vous le prevenez. Je n’en veux pour témoignage que ces nobles inquietudes, cette vivacité, cette ardeur, ces marques d’esprit, de courage, et de grandeur d’ame que vous faites paroistre à tous les momens. Certainement c’est une joye bien sensible à nostre Monarque, mais c’est un spectacle bien agreable pour l’Univers que de voir ainsi croistre une jeune Plante qui couvrira un jour de son ombre tant de Peuples et de Nations. Je devrois m’étendre sur ce sujet ; mais comme le dessein que j’ay de vous divertir est plus proportionné à mes forces que celuy de vous loüer, je me haste de venir aux Fables, et n’ajoûteray aux veritez que je vous ay dites que celles-cy : c’est, Monseigneur, que je suis avec un zele respectueux,


Votre tres-humble, tres-obeïssant,
et tres-fidelle serviteur,


De La Fontaine.