Aller au contenu

Page:La Fontaine - Œuvres complètes - Tome 1.djvu/127

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
121
LIVRE QUATRIÉME.

Un Navire en cét équipage
Non loin d’Athenes fit naufrage.
Sans les Daufins tout eust pery.
Cét animal est fort amy
De nostre espece : En son Histoire
Pline le dit[1], il le faut croire.
Il sauva donc tout ce qu’il pût.
Mesme un Singe en cette occurrence,
Luy pensa devoir son salut.
Un Daufin le prit pour un homme,
Et sur son dos le fit asseoir,
Si gravement qu’on eust crû voir
Ce chanteur que tant on renomme.
Le Daufin l’alloit mettre à bord.
Quand par hazard il luy demande ;
Estes-vous d’Athenes la grande ?
Oüy, dit l’autre, on m’y connoist fort :
Shl vous y survient quelque affaire
Employez-moy ; car mes parens
Y tiennent tous les premiers rangs ;
Un mien cousin est Juge-Maire.
Le Daufin dit bien-grammercy.
Et le Pirée a part aussi
A l’honneur de vostre presence ?
Vous le voyez souvent ? Je pense.
Tous les jours ; il est mon amy.
C’est une vieille connoissance.
Nostre Magot prit pour ce coup
Le nom d’un port pour un nom d’homme.
De telles gens il est beaucoup,
Qui prendroient Vaugirard pour Rome ;
Et qui, caquetans au plus drû,
Parlent de tout et n’ont rien vû.
Le Daufin rit, tourne la teste,
Et le Magot consideré
Il s’apperçoit qu’il n’a tiré

  1. Hist. nat., lib. IX, cap. VIII.