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FABLES CHOISIES.

La mere aussi-tost le gourmande,
Le menace s’il ne se taist
De le donner au Loup. L’Animal se tient prest,
Remerciant les Dieux d’une telle avanture,
Quand la mere appaisant sa chere geniture,
Luy dit : Ne criez point ; s’il vient, nous le tuërons.
Qu’est-cecy ? s’écria le mangeur de Moutons.
Dire d’un, puis d’un autre ? Est-ce ainsi que l’on traite
Les gens faits comme moy ? Me prend-on pour un sot ?
Que quelque jour ce beau marmot
Vienne au bois cueillir la noisette.
Comme il disoit ces mots, on sort de la maison.
Un chien de cour l’arreste. Espieux et fourches fieres
L’ajustent de toutes manieres.
Que veniez-vous chercher en ce lieu ? luy dit-on.
Aussi-tost il conta l’affaire.
Mercy de moy, luy dit la Mere,
Tu mangeras mon fils ? L’ay-je fait à dessein
Qu’il assouvisse un jour ta faim ?
On assomma la pauvre beste.
Un manant luy coupa le pied droit et la teste :
Le Seigneur du village à sa porte les mit ;
Et ce dicton Picard à l’entour fut écrit :
Biaux chires leups, n’écoutez mie
Mere tenchent chen fieux qui crie.




XVII.
PAROLE DE SOCRATE.



Socrate un jour faisant bâtir,
Chacun censuroit son ouvrage.
L’un trouvoit les dedans, pour ne luy point mentir,
Indignes d’un tel personnage.