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FABLES CHOISIES.

Je l’ay pris. Qu’est-cecy ? mon char marche à souhait.
Hercule en soit loüé. Lors la voix : Tu vois comme
Tes chevaux aisément se sont tirez de là.
Aide-toy, le Ciel t’aidera.




XIX.
LE CHARLATAN.



Le monde n’a jamais manqué de Charlatans.
Cette science de tout temps
Fut en Professeurs tres-fertile.
Tantost l’un en Theatre affronte l’Acheron ;
Et l’autre affiche par la ville
Qu’il est un Passe-Ciceron.
Un des derniers se vantoit d’estre
En Eloquence si grand maistre,
Qu’il rendroit disert un badaut,
Un manant, un rustre, un lourdaut :
Ouy, Messieurs, un lourdaut ; un Animal, un Asne :
Que l’on m’ameine un Asne, un Asne renforcé ;
Je le rendray maistre passé ;
Et veux qu’il porte la soutane.
Le Prince sçeut la chose ; il manda le Rheteur.
J’ay, dit-il, en mon écurie
Un fort beau Roussin d’Arcadie ;
J’en voudrois faire un Orateur.
Sire, vous pouvez tout, reprit d’abord nôtre homme.
On luy donna certaine somme.
Il devoit au bout de dix ans
Mettre son Asne sur les bancs :
Sinon il consentait d’estre en place publique
Guindé la hare au col, étranglé court et net.
Ayant au dos sa Rhetorique,