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LIVRE SEPTIÉME.

Aimoit le maistre et la maistresse,
Et le jardin sur tout. Dieu sçait si les zephirs
Peuple ami du Démon l’assistoient dans sa tâche :
Le folet de sa part travaillant sans relâche
Combloit ses hostes de plaisirs.
Pour plus de marques de son zele
Chez ces gens pour toûjours il se fust arresté,
Nonobstant la legereté
A ses pareils si naturelle ;
Mais ses confreres les esprits
Firent tant que le chef de cette republique
Par caprice ou par politique,
Le changea bien-tost de logis.
Ordre luy vient d’aller au fond de la Norvege
Prendre le soin d’une maison
En tout temps couverte de neige ;
Et d’Indou qu’il estoit on vous le fait Lapon.
Avant que de partir l’esprit dit à ses hostes :
On m’oblige de vous quitter :
Je ne sçais pas pour quelles fautes ;
Mais enfin il le faut, je ne puis arrester
Qu’un temps fort court, un mois, peut-estre une semaine.
Employez-la ; formez trois souhaits, car je puis
Rendre trois souhaits accomplis ;
Trois sans plus. Souhaiter ce n’est pas une peine
Etrange et nouvelle aux humains.
Ceux-cy pour premier vœu demandent l’abondance ;
Et l’abondance à pleines mains
Verse en leurs cofres la finance,
En leurs greniers le bled, dans leurs caves les vins ;
Tout en creve. Comment ranger cette chevance ?
Quels registres, quels soins, quel temps il leur falut !
Tous deux sont empeschez si jamais on le fut.
Les voleurs contre eux comploterent ;
Les grands Seigneurs leur emprunterent ;
Le Prince les taxa. Voila les pauvres gens
Malheureux par trop de fortune.
Ostez-nous de ces biens l’affluence importune,