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Page:La Fontaine - Œuvres complètes - Tome 1.djvu/228

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FABLES CHOISIES.

Nous sommes tous d’Athene en ce poinct ; et moy-mesme,
Au moment que je fais cette moralité,
Si peau d’asne m’estoit conté,
J’y prendrois un plaisir extrême.
Le monde est vieux, dit-on, je le crois, cependant
Il le faut amuser encor comme un enfant.




V.
L’HOMME ET LA PUCE.



Par des vœux importuns nous fatiguons les Dieux
Souvent pour des sujets mesme indignes des hommes.
Il semble que le Ciel sur tous tant que nous sommes
Soit obligé d’avoir incessamment les yeux,
Et que le plus petit de la race mortelle,
A chaque pas qu’il fait, à chaque bagatelle,
Doive intriguer l’Olympe et tous ses citoyens,
Comme s’il s’agissoit des Grecs et des Troyens.
Un sot par une puce eut l’épaule morduë.
Dans les plis de ses draps elle alla se loger.
Hercule, ce dit-il, tu devois bien purger
La terre de cette Hydre au Printemps revenuë.
Que fais-tu Jupiter, que du haut de la nuë
il n’en perdes la race afin de me venger ?
Pour tuer une puce il vouloit obliger
Ces Dieux à luy prester leur foudre et leur massuë.