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LIVRE HUITIÉME.

Il t’attend, es-tu sourd ? Je n’entends que trop bien,
Repartit le Chapon : Mais que me veut-il dire,
Et ce beau Cuisinier armé d’un grand couteau ?
Reviendrois-tu pour cet appeau ?
Laisse-moy fuir, cesse de rire
De l’indocilité qui me fait envoler,
Lors que d’un ton si doux on s’en vient m’appeller.
Si tu voyois mettre à la broche
Tous les jours autant de Faucons
Que j’y vois mettre de Chapons,
Tu ne me ferois pas un semblable reproche.




XXII.
LE CHAT ET LE RAT.



Quatre animaux divers, le Chat grippe-fromage,
Triste-oiseau le Hibou, Ronge-maille le Rat,
Dame Belette au long corsage,
Toutes gens d’esprit scelerat,
Hantoient le tronc pourry d’un pin vieux et sauvage.
Tant y furent qu’un soir à l’entour de ce pin
L’homme tendit ses rets. Le Chat de grand matin
Sort pour aller chercher sa proye.
Les derniers traits de l’ombre empeschent qu’il ne voye
Le filet ; il y tombe, en danger de mourir :
Et mon Chat de crier, et le Rat d’accourir,
L’un plein de desespoir, et l’autre plein de joye.
Il voyoit dans les las son mortel ennemy.
Le pauvre Chat dit : Cher amy,
Les marques de ta bienveillance
Sont communes en mon endroit :
Vien m’aider à sortir du piege où l’ignorance
M’a fait tomber : C’est à bon droit