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Page:La Fontaine - Œuvres complètes - Tome 1.djvu/275

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LIVRE NEUVIÉME.

Mais cecy soit dit entre-nous.
On tient toûjours du lieu dont on vient : Cette Fable
Prouve assez bien ce poinct ; mais à la voir de prés
Quelque peu de sophisme entre parmy ses traits :
Car quel époux n’est point au Soleil préferable
En s’y prenant ainsi ? diray-je qu’un geant
Est moins fort qu’une puce ? Elle le mord pourtant.
Le Rat devoit aussi renvoyer pour bien faire
La belle au chat, le chat au chien,
Le chien au Loup. Par le moyen
De cet argument circulaire
Pilpay jusqu’au Soleil eust enfin remonté ;
Le Soleil eust joüy de la jeune beauté.
Revenons s’il se peut à la metempsicose ;
Le Sorcier du Bramin fit sans doute üne chose
Qui loin de la prouver fait voir sa fausseté.
Je prends droit là dessus contre le Bramin mesme ;
Car il faut selon son sistême
Que l’homme, la souris, le ver, enfin chacun
Aille puiser son ame en un tresor commun
Toutes sont donc de mesme trempe ;
Mais agissant diversement
Selon l’organe seulement
L’une s’éleve, et l’autre rempe.
D’où vient donc que ce corps si bien organisé
Ne pût obliger son hostesse
De s’unir au Soleil, un Rat eut sa tendresse ?
Tout débatu, tout bien pesé,
Les ames des Souris et les ames des belles
Sont tres-differentes entre elles.
Il en faut revenir toujours à son destin,
C’est à dire à la loy par le Ciel établie.
Parlez au diable, employez la magie.
Vous ne détournerez nul estre de sa fin.