Page:La Fontaine - Œuvres complètes - Tome 1.djvu/318

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
312
FABLES CHOISIES.

Que vostre nom receust icy quelques hommages,
Du temps et des censeurs défendant mes ouvrages,
Comme un nom qui des ans et des peuples connu,
Fait honneur à la France efi grands noms plus feconde
Qu’aucun climat de l’Univers,
Permettez-moy du moins d’apprendre à tout le monde
Que vous m’avez donné le sujet de ces Vers.




XV.
LE MARCHAND, LE GENTILHOMME,
LE PATRE ET LE FILS DE ROY.



Quatre chercheurs de nouveaux mondes,
Presque nus échapez à la fureur des ondes,
Un Trafiquant, un Noble, un Pâtre, un Fils de Roy,
Réduits au sort de Bellizaire[1],
Demandoient aux passans de quoy
Pouvoir soulager leur misere.
De raconter quel sort les avoit assemblez,
Quoy que sous divers points tous quatre ils fussent nez,
C’est un récit de longue haleine.
Ils s’assirent enfin au bord d’une fontaine.
Là le conseil se tint entre les pauvres gens.
Le Prince s’étendit sur le malheur des grands.
Le Pâtre fut d’avis qu’éloignant la pensée
De leur avanture passée

  1. Bellizaire estoit un grand Capitaine, qui ayant commandé les Armées de l’Empereur et perdu les bonnes grâces de son Maistre, tomba dans un tel point de misere, qu’il demandait l’aumosne sur les grands chemins. (Note de La Fontaine.)