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Page:La Fontaine - Œuvres complètes - Tome 1.djvu/321

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LIVRE CINQUIÉME (XI).




FABLE I.
LE LION.



Sultan Léopard autresfois
Eut, ce dit-on, par mainte aubeine,
Force bœufs dans ses prez, force Cerfs dans ses bois,
Force moutons parmi la plaine,
Il naquit un Lion dans la forest prochaine.
Apres les complimens et d’une et d’autre part,
Comme entre grands il se pratique,
Le Sultan fit venir son Visir le Renard,
Vieux routier et bon politique.
Tu crains, ce luy dit-il, Lionceau mon voisin ;
Son pere est mort, que peut-il faire ?
Plains plûtost le pauvre orphelin.
Il a chez luy plus d’une affaire ;
Et devra beaucoup au destin
S’il garde ce qu’il a sans tenter de conqueste.
Le Renard dit branlant la teste :
Tels orphelins, Seigneur, ne me font point pitié ;
Il faut de celuy-ci conserver l’amitié,
Ou s’efforcer de le détruire,
Avant que la griffe et la dent