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Page:La Fontaine - Œuvres complètes - Tome 1.djvu/337

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LIVRE ONZIÉME.

Le conseil de tronquer un peuple mis en muë ?
Si ce n’est pas là raisonner,
La raison m’est chose inconnuë.
Voyez que d’arguniens il fit.
Quand ce peuple est pris il s’enfuit :
Donc il faut le croquer aussi-tost qu’on le hape.
Tout ; il est impossible. Et puis pour le besoin
N’en dois-je point garder ? donc il faut avoir soin
De le nourrir sans qu’il échape.
Mais comment ? ostons luy les pieds. Or trouvez moy
Chose par les humains à sa fin mieux conduite.
Quel autre art de penser Aristote et sa suite
Enseignent-ils par vostre foy ?


Cecy n’est point une Fable, et la chose quoy que merveilleuse et presque incroyable, est veritablement arrivée. J’ay peut estre porté trop loin la prévoyance de ce hibou ; car je ne pretends pas établir dans les bestes un progrès de raisonnement tel que celuy-cy ; mais ces exagerations sont permises à la Poësie ; sur tout dans la maniere d’écrire dont je me sers.




EPILOGUE.



C’est ainsi que ma Muse, aux bords d’une onde pure,
Traduisoit en langue des Dieux,
Tout ce que disent sous les Cieux
Tant d’estres empruntans la voix de la nature.
Trucheman de peuples divers
Je les faisois servir d’Acteurs en mon Ouvrage :
Car tout parle dans l’Univers ;
Il n’est rien qui n’ait son langage.
Plus éloquens chez-eux qu’ils ne sont dans mes Vers,
Si ceux que j’introduis me trouvent peu fidele,
Si mon œuvre n’est pas un assez bon modele,