Jettoit quelque Doublon toûjours par la fenêtre[1],
Et rendoit le compte imparfait.
La chambre bien cadenacée
Permettoit de laisser l’argent sur le comptoir.
Un beau jour Dom-bertrand se mit dans la pensée
D’en faire un sacrifice au liquide manoir.
Quant à moi, lors, que je compare
Les plaisirs de ce Singe à ceux de cet Avare,
Je ne sçai bonnement ausquels[2] donner le prix ;
Dom-bertrand gagneroit prés de certains esprits ;
Les raisons en seroient trop longues à déduire.
Un jour donc l’animal, qui ne songeoit qu’à nuire,
Détachoit du monceau tantôt quelque Doublon,
Un Jacobus, un Ducaton ;
Et puis quelque Noble à la rose
Eprouvoit son adresse et sa force à jetter
Ces morceaux de métail qui se font souhaiter
Par les humains sur toute chose.
S’il n’avoit entendu son Compteur à la fin
Mettre la clef dans la serrure,
Les Ducats auroient tous pris le même chemin,
Et couru la même avanture.
Il les auroit fait tous voter, jusqu’au dernier[3].
Dans le goufre enrichi par maint et maint naufrage.
Dieu veuille préserver maint et maint Financier
Qui n’en fait pas meilleur usage.
- ↑ Jettoit quelques doublons, souvent par la fenestre.
(Les Œuvres postumes.) - ↑ Auquel, dans le Mercure galant et Les Œuvres postumes.
- ↑ Au lieu des onze vers qui précèdent, on lit dans la première rédaction les cinq suivants :
S’il n’eust ouy l’homme rentrer
Eust jetté, sans considérer
L’estime que l’on fait des biens de cette espece,
Tous ces beaux ducats piece à piece
Il les eust fait voler tous jusques au dernier.
(Mercure galant et Les Œuvres postumes.)