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Page:La Fontaine - Œuvres complètes - Tome 1.djvu/361

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LIVRE DOUZIÉME.

Lui qui gouverne l’Univers,
J’en puis bien faire autant, moi qu’on sçait qui le sers.
Entretenez-moi donc, et sans ceremonie.
Caquet bon-bec alors de jaser au plus drû ;
Sur ceci, sur cela, sur tout. L’homme d’Horace
Disant le bien, le mal a travers champ[1], n’eût sçû
Ce qu’en fait de babil y sçavoit nôtre Agasse.
Elle offre d’avertir de tout ce qui se passe,
Sautant, allant de place en place.
Bon espion, Dieu sçait. Son offre aïant déplu,
L’Aigle lui dit tout en colere ;
Ne quittez point vôtre sejour,
Caquet bon-bec ma mie : adieu, je n’ai que faire
D’une babillarde à ma Cour ;
C’est un fort méchant caractere.
Margot ne demandoit pas mieux.
Ce n’est pas ce qu’on croit, que d’entrer chez les Dieux ;
Cet honneur a souvent de mortelles angoisses.
Rediseurs, Espions, gens à l’air gracieux,
Au cœur tout different, s’y rendent odieux ;
Quoi qu’ainsi que la Pie il faille dans ces lieux
Porter habit de deux paroisses.




FABLE XII.
LE MILAN, LE ROI, ET LE CHASSEUR.
A SON ALTESSE SERENISSIME
MONSEIGNEUR LE PRINCE DE CONTI[2].



Comme les Dieux sont bons, ils veulent que les Rois
Le soient aussi ; c’est l’indulgence
Qui fait le plus beau de leurs droits,

  1. Dicenda, tacenda locutus (Epist. lib. I, VII, 72).
  2. Dans Les Œuvres postumes, cette fable est intitulée : Le Roy, le Milan, et le Chasseur.