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FABLES CHOISIES.

Comme eût fait un Maître d’Ecole[1] ;
Il avoit trop de jugement.
Le Corbeau donc vole et revole.
Sur son rapport les trois amis
Tiennent conseil. Deux sont d’avis
De se transporter sans remise
Aux lieux où la Gazelle est prise.
L’autre, dit le Corbeau, gardera le logis.
Avec son marcher lent[2], quand arriveroit-elle ?
Aprés la mort de la Gazelle.
Ces mots à peine dits, ils s’en vont secourir
Leur chere et fidele Compagne,
Pauvre Chevrette de montagne.
La Tortuë y voulut courir.
La voilà comme eux en campagne,
Maudissant ses pieds courts avec juste raison,
Et la necessité de porter sa maison.
Rongemaille (le Rat eut à bon droit ce nom)
Coupe les nœuds du lacs : on peut penser la joie.
Le Chasseur vient, et dit : Qui m’a ravi ma proie ?
Rongemaille à ces mots se retire en un trou,
Le Corbeau sur un arbre, en un bois la Gazelle :
Et le Chasseur à demi fou
De n’en avoir nulle nouvelle,
Apperçoit la Tortuë, et retient son courroux.
D’où vient, dit-il, que je m’effraie ?
Je veux qu’à mon souper celle-ci me défraie[3].
Il la mit dans son sac. Elle eût païé pour tous,
Si le Corbeau n’en eût averti la Chevrette.
Celle-ci quittant sa retraite,

  1. Voyez ci-dessus, pages 58 et 265, 266.
  2. Avecque sa lenteur, dans les Ouvrages de prose et de poësie.
  3. Apperçoit la Tortuë ; il dit, consolons nous :
    Nous souperons malgré que Jupiter en aye.
    Je prétens qu’aujourd’huy celle-cy me défraye.

    (Ouvrages de prose et de poësie.)