Page:La Fontaine - Œuvres complètes - Tome 1.djvu/382

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
376
FABLES CHOISIES.

Là des animaux ravissans,
Blereaux, Renards, Hiboux, race encline à mal-faire,
Pour l’exemple pendus instruisoient les passans.
Leur confrere aux abois entre ces morts s’arrange.
Je crois voir Annibal qui pressé des Romains
Met leurs Chefs en défaut, ou leur donne le change.
Et sçait en vieux Renard s’échaper de leurs mains.
Les Clefs de Meute parvenuës
A l’endroit où pour mort le traître se pendit,
Remplirent l’air de cris : leur maître les rompit,
Bien que de leurs abois ils perçassent les nuës.
Il ne put soupçonner ce tour assez plaisant.
Quelque Terrier, dit-il, a sauvé mon galant.
Mes Chiens n’appellent point au delà des colonnes
Où sont tant d’honnêtes personnes.
Il y viendra, le drôle. Il y vint, à son dam.
Voilà maint Basset clabaudant ;
Voilà nôtre Renard au charnier se guindant,
Maître pendu croyôit qu’il en iroit de même
Que le jour qu’il tendit de semblables panneaux ;
Mais le pauvret ce coup y laissa ses houzeaux ;
Tant il est vrai qu’il faut changer de stratagême.
Le Chasseur, pour trouver sa propre sûreté,
N’auroit pas cependant un tel tour inventé ;
Non point par peu d’esprit ; est-il quelqu’un qui nie
Que tout Anglois n’en ait bonne provision ?
Mais le peu d’amour pour la vie
Leur nuit en mainte occasion.

Je reviens à vous non pour dire
D’autres traits sur votre sujet ;
Tout long éloge est un projet[1]
Trop abondant[2] pour ma Lire.
Peu de nos chants, peu de nos Vers

  1. Nous prenons ce vers dans les Ouvrages de prose et de poësie ; il manque dans l’édition de 1694.
  2. Peu favorable, dans les Ouvrages de prose et de poësie.