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LIVRE PREMIER.




III.
LA GRENOUILLE QUI SE VEUT FAIRE
AUSSI GROSSE QUE LE BŒUF.



Une Grenoüille vid un Bœuf,
Qui luy sembla de belle taille.
Elle qui n’estoit pas grosse en tout comme un œuf,
Envieuse s’étend, et s’enfle, et se travaille,
Pour égaler l’animal en grosseur ;
Disant, Regardez bien ma sœur,
Est-ce assez ? dites moy, n’y suis-je point encore ?
Nenny. M’y voicy donc ? Point du tout. M’y voila ?
Vous n’en approchez point. La chetive pecore
S’enfla si bien qu’elle creva.
Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages :
Tout Bourgeois veut bastir comme les grands Seigneurs ;
Tout petit Prince a des Ambassadeurs,
Tout Marquis veut avoir des Pages.[1]




IV.
LES DEUX MULETS.



Deux Mulets cheminoient ; l’un d’avoine chargé :
L’autre portant l’argent de la Gabelle.
Celuy-cy glorieux d’une charge si belle,
N’eût voulu pour beaucoup en être soulagé.

  1. Boileau avoit dit trois ans auparavant, dans sa Ve satire (v. 114).
    Le Duc et le Marquis se reconnut aux Pages.