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FABLES CHOISIES.

L’Asne c’est quelquefois une pauvre Province.
Les Voleurs sont tel et tel Prince ;
Comme le Transsilvain, le Turc, et le Hongrois.
Au lieu de deux j’en ay rencontré trois :
Il est assez de cette marchandise.
De nul d’eux n’est souvent la Province conquise.
Un quart Voleur survient qui les accorde net,
En se saisissant du Baudet.




XIV.
SIMONIDE PRESERVÉ PAR LES DIEUX.



On ne peut trop loüer trois sortes de personnes,
Les Dieux, sa Maistresse, et son Roy.
Malherbe le disoit : j’y souscris quant à moy :
Ce sont maximes toûjours bonnes.
La loüange chatoüille, et gagne les esprits.
Les faveurs d’une belle en sont souvent le prix.
Voyons comme les Dieux l’ont quelquefois payée.
Simonide avoit entrepris
L’éloge d’un Athlete, et la chose essayée,
Il trouva son sujet plein de recits tout nus.
Les parens de l’Athlete estoient gens inconnus,
Son pere un bon bourgeois, luy sans autre merite ;
Matiere infertile et petite.
Le Poëte d’abord parla de son Heros.
Aprés en avoir dit ce qu’il en pouvoit dire,
Il se jette à costé ; se met sur le propos
De Castor et Pollux ; ne manque pas d’écrire
Que leur exemple estoit aux luteurs glorieux ;
Eleve leurs combats, specifiant les lieux
Où ces freres s’estoient signalez davantage :
Enfin l’éloge de ces Dieux
Faisoit les deux tiers de l’ouvrage.