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LIVRE DEUXIÉME




FABLE I.
CONTRE CEUX QUI ONT LE GOUST
DIFFICILE.



Quand j’aurois en naissant receu de Calliope
Les dons qu’à ses amans cette Muse a promis,
Je les consacrerois aux Mensonges d’Esope :
Le Mensonge et les Vers de tout temps sont amis.
Mais je ne me crois pas si chery du Parnasse
Que de sçavoir orner toutes ces fictions :
On peut donner du Lustre à leurs inventions :
On le peut, je l’essaye, un plus sçavant le fasse.
Cependant jusqu’icy d’un langage nouveau
J’ay fait parler le Loup et répondre l’Agneau.
J’ay passé plus avant ; les Arbres et les Plantes
Sont devenus chez moy creatures parlantes.
Qui ne prendroit cecy pour un enchantement ?
Vrayment, me diront nos critiques,
Vous parlez magnifiquement
De cinq ou six contes d’enfant.
Censeurs, en voulez-vous qui soient plus authentiques,
Et d’un stile plus haut ? En voicy. Les Troyens,