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LIVRE DEUXIÉME.


IV.
LES DEUX TAUREAUX
ET UNE GRENOUILLE.



Deux Taureaux combattoient à qui possederoit
Une Genisse avec l’empire.
Une Grenoüille en soûpiroit.
Qu’avez-vous ? se mit à luy dire
Quelqu’un du peuple croassant.
Et ne voyez-vous pas, dit-elle,
Que la fin de cette querelle
Sera l’exil de l’un ; que l’autre le chassant
Le fera renoncer aux campagnes fleuries ?
Il ne regnera plus[1] sur l’herbe des prairies,
Viendra dans nos marests regner sur les roseaux,
Et nous foulant aux pieds jusques au fond des eaux,
Tantost l’une, et puis l’autre, il faudra qu’on patisse
Du combat qu’a causé madame la Genisse.
Cette crainte estoit de bon sens.
L’un des Taureaux en leur demeure
S’alla cacher à leurs dépens ;
Il en écrasoit vingt par heure.
Helas ! on void que de tout temps
Les petis ont paty des sottises des grands.



  1. Il ne regnera pas, dans l’édition de 1668.