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Page:La Fontaine - Œuvres complètes - Tome 2.djvu/114

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CONTES ET NOUVELLES.

Or est le cas allé d’autre façon.
J’ay pris mary qui pour toute chanson
N’a jamais eu que ses jours de ferie ;
Mais Pagamin, si-tost qu’il m’eut ravie,
Me sceut donner bien une autre leçon.
J’ay plus appris des choses de la vie
Depuis deux jours, qu’en quatre ans avec vous.
Laissez-moy donc, Monsieur mon cher Epoux.
Sur mon retour n’insistez davantage.
Calendriers ne sont point en usage
Chez Pagamin : je vous en avertis.
Vous et les miens avez merité pis.
Vous, pour avoir mal mesuré vos forces
En m’épousant ; eux, pour s’estre mépris
En preferant les legeres amorces
De quelque bien à cet autre point-là.
Mais Pagamin pour tous y pourvoira.
Il ne sçait Loy, ny Digeste, ny Code ;
Et cependant trés-bonne est sa methode.
De ce matin luy-mesme il vous dira
Du quart en sus comme la chose en va.
Un tel aveu vous surprend et vous touche :
Mais faire icy de la petite bouche
Ne sert de rien ; l’on n’en croira pas moins,
Et puis qu’enfin nous voicy sans témoins,
Adieu vous dis, vous, et vos jours de Feste.
Je suis de chair, les habits rien n’y font :
Vous sçavez bien, Monsieur, qu’entre la teste
Et le talon d’autres affaires sont.
A tant se teut. Richard tombé des nuës,
Fut tout heureux de pouvoir s’en aller.
Bartholomée ayant ses hontes beuës,
Ne se fit pas tenir pour demeurer.
Le pauvre Epoux en eut tant de tristesse,
Outre les maux qui suivent la vieillesse,
Qu’il en mourut à quelques jours de là ;
Et Pagamin prit à femme sa Veuve.
Ce fut bien fait : nul des deux ne tomba