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CONTES ET NOUVELLES.

Dans les bras de Cloris qu’accompagnoit Damon.
C’estoit, dis-je, Philis, qui conta du Gascon
La peine et la frayeur extrême,
Et qui pour l’obliger à se ruer soy-mesme,
En luy monstrant ce qu’il avoit perdu,
Laissoit son sein à demy nu.



XIV. — LA FIANCÉE DU ROY
DE GARBE.
Nouvelle.


Il n’est rien qu’on ne conte en diverses façons :
On abuse du vray comme on fait de la feinte :
Je le souffre aux recits qui passent pour chansons ;
Chacun y met du sien sans scrupule et sans crainte.
Mais aux évenemens de qui la verité
Importe à la posterité,
Tels abus meritent censure.
Le fait d’Alaciel est d’une autre nature.
Je me suis écarté de mon original.
On en pourra gloser ; on pourra me mécroire :
Tout cela n’est pas un grand mal :
Alaciel et sa mémoire
Ne sçauroient guere perdre à tout ce changement.
J’ay suivy mon Auteur en deux poincts seulement,
Poincts qui font veritablement
Le plus important de l’histoire :
L’un est que par huit mains Alaciel passa
Avant que d’entrer dans la bonne :
L’autre que son Fiancé ne s’en embarrassa,
Ayant peut-estre en sa personne
Dequoy negliger ce poinct là.
Quoy qu’il en soit, la Belle en ses traverses,
Accidens, fortunes diverses,