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TROISIESME PARTIE.

Nostre feal, vous serez le Parrein :
C’est la raison ; dés hui je vous en prie.
Tout doux, reprit alors nostre galant,
Ne soyez pas si prompt, je vous supplie :
Vous allez viste ; il faut auparavant
Vous dire tout. Un mal est dans l’affaire :
Mais icy bas pût-on jamais tant faire
Que de trouver un bien pur et sans mal ?
Ce ius doüé de vertu tant insigne
Porte d’ailleurs qualité trés-maligne.
Presque toûjours il, se trouve fatal
A celuy-là qui le premier caresse
La patiente ; et souvent on en meurt.
Nice reprit aussi-tost : Serviteur ;
Plus de vostre herbe, et laissons-là Lucrece
Telle qu’elle est ; bien grammercy du soin.
Que servira, moy mort, si je suis pere ?
Pourvoyez-vous de quelque-autre compere :
C’est trop de peine ; il n’en est pas besoin.
L’Amant luy dit : Quel esprit est le vostre !
Toûjours il va d’un excés dans un autre.
Le grand desir de vous voir un enfant
Vous transportoit n’aguere d’allegresse :
Et vous voilà, tant vous avez de presse,
Découragé sans attendre un moment.
Oyez le reste ; et sçachez que Nature
A mis remede à tout, fors à la mort.
Qu’est-il de faire afin que l’avanture
Nous réüssisse, et qu’elle aille à bon port ?
Il nous faudra choisir quelque jeune homme
D’entre le peuple ; un pauvre mal-heureux
Qui vous precede au combat amoureux ;
Tente la voye, attire et prenne en somme
Tout le venin : puis le danger osté,
Il conviendra que de vostre costé
Vous agissiez sans tarder davantage ;
Car soyez seur d’estre alors garenty.
Il vous faut faire in anima vili