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TROISIESME PARTIE.

Or, les voilà compagnons de fortune.
La nuit venuë, ils vont au rendez-vous.
Eux introduits, croyans Ville gagnée,
Un bruit survint ; la feste fut troublée.
On frape à l’huis ; le logis aux verroux
Estoit fermé : la femme à la fenestre
Court en disant : Celuy-là frape en Maistre ;
Seroit-ce point par mal-heur mon Epoux ?
Oüy, cachez-vous, dit-elle, c’est luy mesme.
Quelque accident, ou bien quelque soupçon,
Le font venir coucher à la maison.
Nos deux Galands, dans ce peril extreme,
Se jettent viste en certain Cabinet :
Car s’en aller, comment auroient-ils fait ?
Ils n’avoient pas le pied hors de la chambre,
Que l’Epoux entre, et void au feu le membre
Accompagné de maint et maint pigeon,
L’un au hastier, les autres au chaudron.
Oh ! oh ! dit-il, voilà bonne cuisine !
Qui traitez-vous ? Alis nostre voisine,
Reprit l’Epouse, et Simonette aussi.
Loüé soit Dieu qui vous rameine icy,
La compagnie en sera plus complete.
Madame Alis, Madame Simonette,
N’y perdront rien. Il faut les avertir
Que tout est prest, qu’elles n’ont qu’à venir :
J’y cours moy-mesme. Alors la creature
Les va prier. Or c’estoient les moitiez
De nos Galands et chercheurs d’aventure
Qui, fort chagrins de se voir enfermez,
Ne laissoient pas de loüer leur Hostesse
De s’estre ainsi tirée avec adresse
De cet aprest. Avec elle à l’instant
Leurs deux moitiez entrent tout en chantant.
On les saluë, on les baise, on les louë
De leur beauté, de leur ajustement ;
On les contemple, on patine, on se jouë.
Cela ne plut aux maris nullement.