Page:La Fontaine - Œuvres complètes - Tome 2.djvu/187

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
179
TROISIESME PARTIE.

Filoit mieux que Cloton, brodoit mieux que Pallas,
Tapissoit mieux qu’Arachne, et mainte autre merveille.
Sa sagesse, son bien, le bruit de ses beautez,
Mais le bien plus que tout y fit mettre la presse ;
Car la Belle estoit là comme en lieux empruntez,
Attendant mieux, ainsi que l’on y laisse
Les bons partis, qui vont souvent
Au Moustier sortant du Couvent.
Vous sçaurez que le Pere avoit long-temps devant
Cette fille legitimée[1] ;
Caliste (c’est le nom de nostre Renfermée)
N’eut pas la clef des champs, qu’Adieu les livres saints.
Il se presenta des Blondins,
De bons Bourgeois, des Paladins,
Des gens de tous Estats, de tout poil, de tout âge.
La Belle en choisit un, bien fait, beau personnage,
D’humeur commode, à ce qu’il luy sembla ;
Et pour gendre aussi-tost le Pere l’agrea.
La dot fut ample ; ample rut le doüaire :
La fille estoit unique, et le garçon aussi.
Mais ce ne fut pas là le meilleur de l’affaire ;
Les mariez n’avoient souci
Que de s’aimer et de se plaire.
Deux ans de Paradis s’estant passez ainsi,
L’enfer des enfers vint en suite.
Une jalouse humeur saisit soudainement
Nostre Epoux, qui fort sottement
S’alla mettre en l’esprit de craindre la poursuite
D’un Amant, qui sans luy se seroit morfondu.
Sans luy le pauvre homme eust perdu
Son temps à l’entour de la Dame
Quoy que pour la gagner il tentast tout moyen.

  1. La Fontaine a supprimé ici les quatre vers suivants, qu’on lit dans les éditions de 1669 :
    Soit par affection, soit pour joüer d’un tour
    A des collateraux, nation affamée,
    Qui des escus de l’homme ayant eu la fumée,
    Luy faisoit reglement sa Cour.