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TROISIESME PARTIE.

A ce langage il ne sceut dire
Autre chose que des soûpirs,
Interpretes de ses desirs.
Tant fut, à ce que dit l’histoire,
De part et d’autre soûpiré,
Que leur feu dument déclaré,
Les jeunes gens, comme on peut croire,
Ne s’épargnerent ny sermens,
Ny d’autres poincts bien plus charmans,
Comme baisers à grosse usure ;
Le tout sans compte et sans mesure.
Calculateur que fust l’Amant,
Broüiller faloit incessamment ;
La chose estoit tant infinie,
Qu’il y faisoit toujours abus.
Somme toute, il n’y manquoit plus
Qu’une seule cérémonie.
Bon fait aux filles l’épargner.
Ce ne fut pas sans témoigner
Bien du regret, bien de l’envie.
Par vous disoit la belle amie,
Je me la veux faire enseigner,
Ou ne la sçavoir de ma vie.
Je la sçauray, je vous promets ;
Tenez-vous certain desormais
De m’avoir pour vostre apprentie.
Je ne puis pour vous que ce poinct.
Je suis franche ; n’attendez point
Que par un langage ordinaire
Je vous promette de me faire
Religieuse, à moins qu’un jour.
L’Himen ne suive nostre amour.
Cet Himen seroit bien mon conte,
N’en doutez point ; mais le moyen ?
Vous m’aimez trop pour vouloir rien
Qui me pust causer de la honte.
Tels et tels m’ont fait demander ;
Mon pere est prest de m’accorder.