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CONTES ET NOUVELLES.

Si sur le bout du nez tache pouvoit montrer
Que telle chose est arrivée ;
Cela nous fait-il empirer
D’une ongle ou d’un cheveu ? Non, Madame, il faut estre
Bien habile pour reconnoistre
Bouche ayant employé son temps et ses appas
D’avec bouche qui s’est tenuë à ne rien faire ;
Donnez-vous, ne vous donnez pas,
Ce sera toûjours mesme affaire.
Pour qui mesnagez-vous les tresors de l’Amour ?
Pour celuy qui, je crois, ne s’en servira guere ;
Vous n’aurez pas grand’peine à fester son retour.
La fausse vieille sceut tant dire,
Que tout se reduisit seulement à douter
Des merveilles du Chien et des charmes du sire :
Pour cela l’on les fit monter :
La Belle estoit au lit encore.
L’Univers n’eut jamais d’aurore
Plus paresseuse à se lever.
Nostre feint Pelerin traversa la ruelle
Comme un homme ayant veu d’autres gens que des Saints
Son compliment parut galand et des plus fins :
Il surprit et charma la Belle.
Vous n’avez pas, ce luy dit-elle,
La mine de vous en aller
A S. Jacques de Compostelle.
Cependant, pour la regaler,
Le Chien a son tour entre en lice.
On eust veu sauter Favory
Pour la Dame et pour la Nourrice,
Mais point du tout pour le Mary.
Ce n’est pas tout ; il se secouë :
Aussi-tost perles de tomber,
Nourrice de les ramasser,
Soubrettes de les enfiler,
Pelerin de les attacher
A de certains bras dont il louë
La blancheur et le reste. Enfin il fait si bien,