Page:La Fontaine - Œuvres complètes - Tome 2.djvu/266

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
258
CONTES ET NOUVELLES.

Mais il vaut mieux remettre la partie :
J’ay sur les bras une dame jolie
A qui je dois faire franchir le pas.
Elle le veut, et puis ne le veut pas.
L’époux n’aura dedans la confrairie
Si-tost un pied, qu’à vous je reviendray,
Maistre Phlipot, et tant vous galeray,
Que ne joüerez ces tours de vostre vie.
A coups de grife il faut que nous voyons
Lequel aura de nous deux belle amie,
Et joüira du fruit de ces sillons.
Prendre pourrois d’autorité suprême
Touzelle et grain, champ et rave, enfin tout ;
Mais je les veux avoir par le bon bout.
N’esperez plus user de stratageme.
Dans huit jours d’huy, je suis à vous, Phlipot,
Et touchez là, cecy sera mon arme.
Le villageois, étourdy du vacarme,
Au farfadet ne put répondre un mot.
Perrette en rit ; c’estoit sa mesnagere ;
Bonne galande en toutes les façons,
Et qui sceut plus que garder les moutons,
Tant qu’elle fut en âge de bergere.
Elle luy dit : Phlipot ne pleure point ;
Je veux d’icy renvoyer de tout poinct
Ce diableteau : c’est un jeune novice
Qui n’a rien veu ; je t’en tireray hors :
Mon petit doigt sçauroit plus de malice,
Si je voulois, que n’en sçait tout son corps.
Le jour venu Phlipot qui n’estoit brave,
Se va cacher, non point dans une cave,
Trop bien va-t-il se plonger tout entier
Dans un profond et large benistier.
Aucun démon n’eust sceu par où le prendre,
Tant fust subtil ; car d’étoles, dit-on,
Il s’afubla le chef pour s’en défendre,
S’estant plongé dans l’eau jusqu’au menton.
Or le laissons, il n’en viendra pas faute.