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CONTES ET NOUVELLES.

Pour la guerir d’un mal opiniâtre :
Ce conte-cy, qui n’est le moins fripon ;
Quant à sœur Jeanne ayant fait un poupon,
Je ne tiens pas qu’il la faille rabatre.
Les voila tous : quatre, c’est conte rond.
Vous me direz : C’est une étrange affaire
Que nous ayons tant de part en ceci !
Que voulez-vous ? je n’y sçaurois que faire ;
Ce n’est pas moy qui le souhaite ainsi.
Si vous teniez toûjours vostre breviaire,
Vous n’auriez rien à demesler icy ;
Mais ce n’est pas vostre plus grand souci.
Passons donc viste à la presente histoire.
Dans un couvent de Nones frequentoit
Un jouvenceau, friand, comme on peut croire,
De ces oiseaux. Telle pourtant prenoit
Goust à le voir, et des yeux le couvoit,
Luy sourioit, faisoit la complaisante,
Et se disoit sa trés-humble servante,
Qui pour cela d’un seul poinct n’avançoit.
Le conte dit que leans il n’estoit
Vieille ny jeune à qui le personnage
Ne fist songer quelque chose à part soy ;
Soupirs trotoient : bien voyoit le pourquoy,
Sans qu’il s’en mist en peine davantage.
Sœur Isabeau seule pour son usage
Eut le galand : elle le meritoit,
Douce d’humeur, gentille de corsage,
Et n’en estant qu’à son apprentissage,
Belle de plus. Ainsi l’on l’envioit
Pour deux raisons : son amant, et ses charmes.
Dans ses amours chacune l’épioit :
Nul bien sans mal, nul plaisir sans alarmes.
Tant et si bien l’épierent les sœurs,
Qu’une nuit sombre et propre à ces douceurs
Dont on confie aux ombres le mystere,
En sa cellule on oüit certains mots,
Certaine voix, enfin certains propos