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CONTES ET NOUVELLES.

Je ne vois pas que les galans
Trouvent icy beaucoup à faire.
Toute maison est monastere :
Double porte, verroux, une matrone austere,
Un mary, des Argus. Qu’irais-je, à vostre avis,
Chercher en de pareils logis ?
Prendre la lune aux dents seroit moins difficile.
Ha ! ha ! la lune aux dents ! repartit le Docteur ;
Vous nous faites beaucoup d’honneur.
J’ay pitié des gens nœufs comme vous. Nostre Ville
Ne vous est pas connuë, en tant que je puis voir.
Vous croyez donc qu’il faille avoir
Beaucoup de peine à Rome en fait que d’avantures ?
Sçachez que nous avons icy des creatures
Qui feront leurs maris cocus
Sur la moustache des Argus.
La chose est chez nous trés commune.
Témoignez seulement que vous cherchez fortune ;
Placez-vous dans l’Église auprés du benistier ;
Presentez sur le doigt aux Dames l’eau sacrée ;
C’est d’amourettes les prier.
Si l’air du suppliant à quelque Dame agrée,
Celle-là, sçachant son métier,
Vous envoyra faire un message.
Vous serez déterré, logeassiez-vous en lieu
Qui ne fust connu que de Dieu :
Une vieille viendra, qui, faite au badinage,
Vous sçaura mesnager un secret entretien.
Ne vous embarrassez de rien.
De rien ; c’est un peu trop, j’excepte quelque chose :
Il est bon de vous dire en passant, nostre ami,
Qu’à Rome il faut agir en galand et demi.
En France on peut conter des fleurettes, l’on cause ;
Icy tous les momens sont chers et préieux :
Romaines vont au but. L’autre reprit : Tant mieux.
Sans estre gascon je puis dire
Que je suis un merveilleux sire.
Peut-estre ne l’estoit-il point :