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Page:La Fontaine - Œuvres complètes - Tome 2.djvu/320

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CONTES ET NOUVELLES.

Et qui soient entendus sans notes
Des Agnés mesme les plus sottes.
Ce n’est pas coucher gros ; ces extremes Agnés
Sont oiseaux qu’on ne vit jamais.
 
Toute Matrône sage, a ce que dit Catule,
Regarde volontiers le gigantesque don
Fait au fruit de Vénus par la main de Junon[1] ;
A ce plaisant objet si quelqu’une recule,
Cette quelqu’une dissimule.
Ce principe posé, pourquoy plus de scrupule,
Pourquoy moins de licence aux oreilles qu’aux yeux ?
Puisqu’on le veut ainsi, je feray de mon mieux :
Nuls traits à découvert n’auront icy de place ;
Tout y sera voilé, mais de gaze, et si bien,
Que je crois qu’on n’en perdra rien.
Qui pense finement et s’exprime avec grace
Fait tout passer, car tout passe ;
Je l’ay cent fois éprouvé :
Quand le mot est bien trouvé,
Le sexe, en sa faveur, à la chose pardonne :
Ce n’est plus elle alors, c’est elle encor pourtant ;
Vous ne faites rougir personne,
Et tout le monde vous entend.
J’ay besoin aujourd’huy de cet art important.
Pourquoy ? me dira-t-on, puisque sur ces merveilles
Le sexe porte l’œil sans toutes ces façons.
Je réponds à cela : Chastes sont ses oreilles,
Encor que les yeux soient fripons.
Je veux, quoy qu’il en soit, expliquer à des belles
Cette chaise rompuë, et ce rustre tombé.
Muses, venez m’ayder ; mais vous estes pucelles,

  1. Allusion aux deux vers suivants qui sont dans l’épi
    gramme VIII des Priapées ; ils ne sont pas de Catulle, comme le dit La Fontaine, mais d’un anonyme.
    Nimirum sapiunt, videntque magnam
    Matronæ quoque mentulam libenter.
    (Note de M, Boissonade.)