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CINQUIESME PARTIE.

Même un de ses amans l’en trouva plus jolie.
C’est un goust : il s’offrit à luy donner la main.
Les Dieux ne gâtent rien : puis, quand ils seroient cause
Qu’une fille en valût un peu moins, dotez-la,
Vous trouverez qui la prendra :
L’argent repare toute chose.



III. — LA CONFIDENTE SANS LE SÇAVOIR,


OU LE STRATAGÊME.
Conte.


Je ne connois Rhéteur ny Maître és Arts
Tel que l’Amour ; il excelle en bien dire ;
Ses argumens, ce sont de doux regards,
De tendres pleurs, un gracieux sourire.
La guerre aussi s’exerce en son Empire :
Tantôt il met aux champs ses étendars ;
Tantôt, couvrant sa marche et ses finesses,
Il prend des cœurs entourez de ramparts,
Je le soûtiens : posez deux forteresses ;
Qu’il en batte une, une autre le Dieu Mars :
Que celuy-cy fasse agir tout un monde,
Qu’il soit armé, qu’il ne luy manque rien ;
Devant son fort je veux qu’il se morfonde :
Amour tout nud fera rendre le sien.
C’est l’inventeur des tours et stratagêmes.
J’en vais dire un de mes plus favoris :
J’en ay bien lû, j’en vois pratiquer mêmes,
Et d’assez bons, qui ne sont rien au prix.

  La jeune Aminte, à Geronte donnée,
Meritoit mieux qu’un si triste hymenée ;
Elle avoit pris en cet homme un époux
Malgracieux, incommode, et jaloux.