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A D O N I S .

Agreables soûpirs, pleurs enfans de la joye,
Voeux, sermens et regards, transports, ravissemens
Meslange dont se fait le bon-heur des Amans ;
Tout par ce couple heureux fut lots mis en usage.
Tantost ils choisissoient l’épaisseur d’un ombrage ;
Là, sous des chesnes vieux, où leurs chiffres gravez
Se sont avec les troncs accreus et conservez,
Mollement estendus, ils consumoient les heures,
Sans avoir pour témoins, en ces sombres demeures,
Que les chantres des bois, pour confidens qu’Amour,
Qui seul guidoit leurs pas en cet heureux sejour.
Tantost sur des tapis d’herbe tendre et sacrée[1]
Adonis s’endormoit auprés de Cytherée,
Dont les yeux, enyvrez par des charmes puissans,
Attachoient au Heros leurs regards languissans[2].
Bien souvent ils chantoient les douceurs de leurs peines ;
Et quelquefois, assis sur le bord des fontaines,
Tandis que cent cailloux, luitans à chaque bond,
Suivoient les longs replis du cristal vagabond,
Voiez, disoit Venus, ces ruisseaux et leur course ;
Ainsi jamais le temps ne remonte à sa source :
Vainement pour les Dieux il fuit d’un pas leger[3]  ;
Mais vous autres mortels le devez ménager,

  1. Dans le manuscrit de 1658, au lieu de ces derniers vers on lit les suivants :
    Mollement etendus ils consommoient les heures ;
    Tandis que Philomele, en ces sombres demeures,
    Se plaignoit aux echos, et d’une triste voix
    Accusoit de son sort le silence des bois,
    Tantost sur des gazons d’herbe tendre et sacrée…
  2. Dans le manuscrit de 1658, au lieu de ces derniers vers, on lit les suivants :
    Qui repaissoit ses yeux des beautez du heros,
    Pendant qu’il jouissoit d’un paisible repos.
  3. Manuscrit de 1658 :
    En vain à nostre egard il fuit d’un pas leger.