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A D O N I S .

En vain du coup fatal il veut se détourner ;
Ne pouvant que mourir, il meurt sans s’estonner.
Pour punir son vainqueur[1], toute la troupe approche ;
L’un luy presente un dard, l’autre un trait luy décoche :
Le fer, ou se rebouche, ou ne fait qu’entamer
Sa peau que d’un poil dur le Ciel voulut armer.
Il se lance aux épieux, il previent leur atteinte ;
Plus le peril est grand, moins il montre de crainte.
C’est ainsi qu’un guerrier pressé de toutes parts
Ne songe qu’à perir au milieu des hazards :
De soldats entassez son bras jonche la terre ;
Il semble qu’en luy seul se termine la guerre :
Certain de succomber, il fait pourtant effort,
Non pour ne point mourir, mais pour vanger sa mort.
Tel, et plus valeureux, le Monstre se presente[2].
Plus le nombre s’accroist, plus sa fureur s’augmente :
L’un a les flancs ouverts, l’autre les reins rompus ;
Il masche et foule aux pieds ceux qui sont abattus.
La troupe des chasseurs en devient moins hardie ;
L’ardeur qu’ils témoignoient est bien-tôt refroidie.
Palmire toutefois s’avance malgré tous ;
Ce n’est pas du Sanglier que son cœur craint les coups :
Aretuse luy fut jadis plus redoutable ;
Jadis sourde à ses vœux, mais alors favorable,
Elle void son Amant poussé d’un beau desir,
Et le void avec crainte autant qu’avec plaisir.
Quoy ! mes bras, luy dit-il, sont conduits par les vostres[3]
Et vous me verriez fuïr aussi bien que les autres !
Non, non ; pour redouter le Monstre et son effort,
Vos yeux m’ont trop appris à mépriser la mort.
Il dit, et ce fut tout : l’effet suit la parole ;

  1. L’animal, dans le manuscrit de 16?58.
  2. Manuscrit de 1658 :
    Tel et plus fier encor, l’animal se presente.
  3. Manuscrit de 1658 :
    Quoy ! mes bras, luy dit-il, sont animez des vostres.