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Page:La Fontaine - Œuvres complètes - Tome 2.djvu/437

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SECOND CHANT.

Aide--moy, Muse, à rappeler
Ces fastes qu’aux humains tu daignas reveler.
On dit, et je le crois, qu’une Nymphe sçavante
L’eut du sage Chiron, et qu’ils luy firent part
Des plus beaux secrets de leur art.
Si quelque fievre ardente attaquoit ses compagnes,
Si courans parmi les campagnes
Un levain trop boüillant en vouloit à leurs jours,
La belle à ses secrets avoit alors recours.
Il ne s’en trouva point qui pût guerir_son ame
Du ferment obstiné de l’amoureuse flame.
Elle aimoit un Berger qui causa son trépas.
Il la vid expirer, et ne la plaignit pas.
Les Dieux pour le punir en marbre le changerent.
L’ingrat devint statuë ; elle fleur, et son sort
Fut d’être bienfaisante encore aprés sa mort ;
Son talent et son nom toûjours luy demeurerent.
Heureuse si quelque herbe eût sceu calmer ses feux !
Car de forcer un cœur il est bien moins possible :
Helas ! aucun secret ne peut rendre sensible,
Nul simple n’adoucit un objet rigoureux ;
Il n’est bois, ny fleur, ny racine,
Qui dans les tourmens amoureux
Puisse servir de medecine.

La base du remede étant ce divin bois,
Outre la Centaurée on y joint le genievre ;
Foible secours, et secours toutefois.
De prescrire à chacun le mélange et le poids,
Un plus sçavant l’a fait : examinez la fievre,
Regardez le tempérament ;
Doublez, s’il est besoin, l’usage de l’écorce :
Selon que le malade a plus ou moins de force,
Il demande un Quina plus ou moins vehement.
Laissez un peu de tems agir la maladie ;
Cela fait, tranchez court : quelque fois un moment
Est maître de toute une vie.
Ce détail est écrit ; il en court un traité.