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SECOND CHANT.

C’est le nectar que verse Ganimede
Dans les festins du Monarque des Dieux.
Ne nous engageons point dans un détail immense :
Les longs travaux pour moy ne sont plus de saison ;
Il me suffit icy de joindre à la raison
Les succés de l’experience.
Je ne m’arrête point à chercher dans ces vers
Qui des deux amena les arts dans l’Univers ;
Nos besoins proprement en font leur apanage :
Les arts sont les enfans de la necessité ;
Elle aiguise le soin, qui, par elle excité,
Met aussi-tôt tout en usage.
Et qui sçait si dans maint ouvrage
L’instinct des animaux, Precepteur des humains,
N’a point d’abord guidé nôtre esprit et nos mains ?
Rendons grace au hazard. Cent machines sur l’onde
Promenoient l’avarice en tous les coins du monde :
L’or entouré d’écueils avoit des poursuivans ;
Nos mains l’alloient chercher au sein de sa patrie :
Le Quina vint s’offrir à nous en même tems,
Plus digne mille fois de nôtre idolatrie.
Cependant prés d’un siecle[1] on l’a vû sans honneurs.
Depuis quelques étez qu’on brigue ses faveurs ;
Quel bruit n’a-t-il point fait ! dequoy fument nos Temples
Que de l’encens promis au succés de ses dons ?
Sans me charger icy d’une foule d’exemples,
Je me veux seulement attacher aux grands noms.
Combien a-t-il sauvé de precieuses têtes !
Nous luy devons Condé, Prince dont les travaux,
L’esprit, le profond sens, la valeur, les conquêtes,
Serviroient de matiere à former cent Heros.
Le Quin fera longtems durer ses destinées.
Son fils, digne heritier d’un nom si glorieux,

  1. Il y a ici un peu d’exagération poétique. Les indigènes d’Amérique ne révélèrent aux Espagnols le secret de ce remède qu’en 163?8, et il ne fut apporté en Europe par les jésuites qu’en 1649.