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DEUXIESME PARTIE.
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 Luy viendra bien ; dessus quelque couchette
Vous luy mettrez un peu de paille nette,
Et là-dedans il faudra l’enfermer ;
De nos reliefs vous le ferez souper
Auparavant, puis l’envoyrez coucher.
Sans cet Arrest, c’estoit fait de la vie
Du bon Renaud. On ouvre, il remercie ;
Dit qu’on l’avoit retiré du tombeau,
Conte son cas, reprend force et courage :
Il estoit grand, bien-fait, beau personnage,
Ne sembloit mesme homme en amour nouveau,
Quoy qu’il fust jeune. Au reste il avoit honte
De sa misere et de sa nudité :
L’Amour est nu, mais il n’est pas croté.
Renaud dedans, la Chambriere monte,
Et va conter le tout de point en point.
La Dame dit : Regardez si j’ay point
Quelque habit d’homme encor dans mon armoire ;
Car feu Monsieur en doit avoir laissé.
Vous en avez, j’en ay bonne memoire,
Dit la Servante. Elle eut bien-tost trouvé
Le vray balot. Pour plus d’honnesteté,
La Dame ayant appris la qualité
De Renaud d’Ast (car il s’estoit nommé)
Dit qu’on le mit au bain chauffé pour elle.
Cela fut fait ; il ne se fit prier.
On le parfume avant de l’habiller.
Il monte en haut et fait à la Donzelle
Son compliment, comme homme bien appris.
On sert enfin le soupé du Marquis.
Renaud mangea tout ainsi qu’un autre homme ;
Mesme un peu mieux, la Cronique le dit :
On peut à moins gagner de l’appetit.
Quant à la Veuve, elle ne fit, en somme,
Que regarder, témoignant son désir ;
Soit que déja l’attente du plaisir
L’eust disposée, ou soit par sympathie,
Ou que la mine, ou bien le procedé