Page:La Fontaine - Œuvres complètes - Tome 3.djvu/27

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Elle rougit parfois, parfois baisse la veüe ;
(Rougit, autant que peut rougir une statue :
Ce sont des mouvemens qu’au défaut du sculpteur
Je veux faire passer dans l’esprit du Lecteur.)
Parmy tant de beautez, Apollon est sans flame ;
Celle qu’il s’en va voir seule occupe son ame.
Il songe au doux moment où, libre et sans témoins,
Il reverra l’objet qui dissipe ses soins.
O ! qui pourroit décrire en langue du Parnasse
La Majesté du Dieu, son port si plein de grace,
Cet air que l’on n’a point chez nous autres mortels
Et pour qui l’âge d’or inventa les Autels !
Les coursiers de Phoebus, aux flambantes narines,
Respirent l’Ambroisie en des Grotes voisines.
Les Tritons en ont soin : l’ouvrage est si parfait
Qu’ils semblent panteler du chemin qu’ils ont fait.
Aux deux bouts de la Grote, et dans deux enfonçures,
Le Sculpteur a placé deux charmantes figures :
L’une est le jeune Atis, aussi beau que le jour.
Les accords de sa fluste inspirent de l’amour :
Debout contre le roc, une jambe croisée,
Il semble par ses sons attirer Galatée ;
Par ses sons, et peut estre aussi par sa beauté.
Le long de ces lambris un doux charme est porté.
Les oyseaux, envieux d’une telle harmonie ;
Epuisent ce qu’ils ont et d’art et de genie.
Philomele, à son tour, veut s’entendre louer,
Et chante par ressorts qne l’onde fait jouer.
Echo mesme répond ; Echo toujours hôtesse
D’une voute ou d’un roc témoin de sa tristesse.
L’onde tient sa partie : il se forme un concert
Où Philomele, l’eau, la fluste enfin tout sert.
Deux lustres de rocher de ces voutes dscendent,
En liquide cristal leurs branches se repandent :
L’onde sert de flambeaux, usage tout nouveau.
L art en mille façons a sceu prodiguer l’eau :
D’une table de Jaspe un jet part en fusée ;
Puis en perles retombe, en vapeur, en rosée.