Déesse, tu me fuis ? T’ai-je déjà déplu ?
C’est pourtant Apollon qui t’aime, qui t’adore.
Je n’en puis plus, je sens un feu qui me dévore :
Reviens, charmant objet ! Et vous, Olympe, cieux,
Je vous dis d’éternels adieux ; [220]
Je vous méprise, je vous laisse :
Qu’êtes-vous près de ma déesse ?
Tout votre éclat vaut-il un seul trait de ses yeux ?
Ne la verrai-je plus ? Faut-il que cette belle
Emporte mes plaisirs et mon cœur avec elle ? [225]
Demeurons sur ces bords, je ne les puis laisser.
MOMUS.
Passerons-nous pour dieux ?
APOLLON.
Et pour qui donc passer
MOMUS.
Pour mortels, car les dieux, par leur grandeur suprême
Ne font souvent qu’embarrasser :
On les craint plus qu’on ne les aime. [230]
Les vrais amants doivent toujours
Sous un maître commun vivre d’égale sorte :
Ou monarques ou dieux, n’entrez chez vos amours
Qu’après avoir laissé vos grandeurs à la porte
APOLLON.
Je te croirai ; changeons de nom : [235]
Je m’appelle Tharsis, satrape de Lycie.
MOMUS.
Et moi, son suivant Télamon
Que si sur mon chemin quelque Nymphe jolie