Page:La Fontaine - Œuvres complètes - Tome 4.djvu/236

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que rien ne nous puisse arrêter ?
Le jour est encor grand, quelqu’un peut nous surprendre ;
De peur de quelque obstacle, il vaudrait mieux attendre ;
La nuit serait un temps propre à notre désir.

Le Destin


Quel temps plus favorable avons-nous à choisir ?
Madame Bouvillon est là-bas en affaire,
Le soin de notre troupe occupe votre père ;
L’embarras qu’ils auront l’un et l’autre en ces lieux,
Et sur vous et sur moi lui fermera les yeux,
Et nous serons déjà bien loin de leur présence
Avant que quelqu’un d’eux ait appris notre absence.
Est-ce qu’en différant, et par précaution,
Vous voulez donner temps à Blaise Bouvillon
De vous épouser ?

Isabelle


Moi ! Que venez-vous me dire ?
De tous les maux pour moi ce serait là le pire ;
J’aimerais mieux mourir que le voir mon époux.

Le Destin


Et qui vous retient donc ? Parlez ; est-ce, entre nous,
Que ma profession vous tiendrait en balance ?
Ignorez-vous combien on nous estime en France ?
Sans vanité, madame, il est très peu de lieux
Où je ne sois en droit d’oser lever les yeux.
Si vous vous défiez de la foi que j’en donne,
Il faut…

Isabelle


Je n’ai des yeux que pour votre personne,
Et n’examine rien que vos seuls intérêts.
Madame Bouvillon m’observe ici de près :
Ayant un grand crédit sur l’esprit de mon père,
Par avance elle prend sur moi des droits de mère ;
À ses ordres mon père attache mes destins,
Elle vous voit d’un œil qui fait que je la crains.

Le Destin