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Page:La Fontaine - Œuvres complètes - Tome 4.djvu/327

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Harpagême toujours poursuit-il ses projets ?

La tient-il enfermée encore ?

MARINETTE

Plus que jamais.

Pour la soustraire aux yeux de votre seigneurie,

Il met tout en usage, artifice, industrie.

Une chambre, où le jour n'entre que rarement,

Est de la pauvre enfant, l'unique appartement.

Autour règne une épaisse et terrible muraille,

De brique composée, et de pierres de taille.

Un labyrinthe obscur, pénible à traverser,

Offre, avant que d'entrer, sept portes à passer.

Chaque porte, outre un nombre infini de ferrures

Sous différents ressorts a quatre ou cinq serrures,

Huit ou dix cadenas, et quinze ou vingt verrous.

Voilà le plan du fort, où ce bourru jaloux

Enferme avec grand soin la malheureuse Hortense ;

Encore ne la croit-il pas trop en assurance.

Pour mettre sa personne à l'abri du danger,

Seul, il la voit, l'habille, et lui sert à manger ;

Seul, il passe, en tout temps, la journée avec elle,

À la voir tricoter ou blanchir sa dentelle.

Parfois, pour lui fournir des passe-temps plus doux,

Il lui lit les devoirs de l'épouse à l'époux ;

Ou bien, pour l'égayer, prenant une guitare,

Il lui racle l'oreille un air vieux et bizarre,

La nuit, pour empêcher qu'on en le trompe en rien,

Une cloison sépare et son lit et le sien.

LE bruit d'une araignée, alors qu'elle tricote,

Une mouche qui vole, une souris qui trotte,

Sont éléphants pour lui qui l'alarment. Soudain

Du haut jusques en bas, un pistolet à la main,

Ayant, par ses clameurs, éveillé tout le monde,

Il court, il cherche, il rôde, il fait partout le ronde.

Non, le diable qu'on connaît diable,